Rencontre avec une « gueule » aujourd’hui. Une grande gueule, une gueule de second rôle qui vole la vedette à la starlette qui a son nom en grand au générique d’un film. Cette gueule c’est Loubry, prénom Philippe, puisqu’il en faut un, de prénom. Mais c’est avant tout Loubry, comme l’appelait sa grand-mère, héroïne de ce livre.
Loubry ça rime entre autres avec mille vies. Et c’est ce qu’a vécu l’auteur de « La Claque et le bonbon ». De son enfance à Montmartre, élevé principalement par Elise, cette fameuse grand-mère, tenancière d’un établissement de nuit, à ses aventures en Alsace où il vit depuis une trentaine d’années, en passant par quelques années à servir les stars chez Régine, Loubry est monté très haut, mais aussi descendu très bas. Et tout ça en réussissant un exploit : toujours rester à sa place.
« La claque et le bonbon », ce sont les souvenirs d’un gamin de Montmartre, dans ces Trente Glorieuses où la vie se déroulait à un autre rythme, quand l’usage du français permettait des saillies audiardiennes. Où la plus grande chanteuse de l’époque, Dalida, proposait aux gamins du quartier, parmi lesquels Loubry, de passer prendre un chocolat chaud à la sortie de l’école. Un temps que les moins de vingt ans, etc, etc, etc. Découverte de ce personnage pas comme les autres !
Loubry qui es-tu ?
Un extraverti totalement introverti, un homme de paradoxes qui joue de la dérision. Un mec de gauche auquel les gens de gauche n’ont cessé de donner des idées de droite. Un électron libre politiquement incorrect et totalement athée.
Tu voulais écrire depuis longtemps ?
Oui je le pense je suis passionné par la littérature et l’écriture mais j’ai longtemps considéré en être incapable en classe je pondais toujours les meilleures rédactions
Quel a été le déclencheur ?
Je suis curieux par nature et j’aime le changement . Prendre une nouvelle direction avant que l’âge se charge du reste, jouer au jeunot, l’envie de transmettre quelque chose, de laisser une toute petite trace.
Montmartre , un quartier de Paris , un vrai village ?
C’est un peu des deux mais la Butte semble peu à peu rentrer dans le moule et d’un village il ne restera bientôt qu’un quartier, le tourisme de masse, la disparition de certains lieux mythiques et le choix des stars de préférer s’installer à Neuilly accentuent le problème. Il reste cependant un noyau dur mais qui se restreint d’année en année.
Quelles ont été les premières réactions de tes lecteurs ?
Jiai filé le livre à un ami qui lit énormément il m’a dit avoir aimé et retrouver dans mes propos du Frédéric Dard et de l’Audiard . Le pied ! Un jeune de 20 piges qui lit peu m’a dit « en te lisant on a l’impression de mater un film en noir et blanc… » J’ai pris cela comme un compliment.
Elise, ta grand-mère, sacrée femme ! Tenancière d’un bar à hôtesses, fréquentant, comme toi plus tard le gratin comme le menu-fretin. Qui était -elle pour les habitants du quartier ?
Une Montmartroise comme des dizaines d’autres, entre petites mains, faiseuses d’ange, pouffes, actrices vieillissantes, courtisanes embourgeoisées, chanteuse de variétoche, peintres ratés et nouveaux riches, et l’une de celles que l’on respectait et craignait à la fois. Une vraie de vraie à la voix d’ Arletty et la réplique trop facile …
Attention l’établissement tenu par Mémé était un restaurant dancing ou ils se passaient des choses mais en aucun cas un bar à fille, subtilité de la nuance.
Etait-elle une figure Montmartroise ?
Oui j’en suis totalement convaincu, une femme qui invitait au respect et qui savait venir en aide à celle ou celui qui traversait une mauvaise passe, une nana à laquelle on demandait son avis, que l’on allait voir en cas de coup de grisou.
Que dirait-elle de notre société si elle vivait encore aujourd’hui ?
C’est difficile de parler à la place d’une personne décédée il y a 32 ans d’autant plus qu’elle était née en 1898. Elise aimait tout ce qui était nouveau, elle était à la page comme on aimait à le dire à cette époque mais je me souviens qu’elle ne supportait ni Cloclo ni Jojo. c’était une fan de Nougaro, de Léo Ferré et de La Callas. Elle n’aimait pas les cons et je pense qu’aujourd’hui elle ne tiendrait pas le choc, je ne suis même pas sûr qu’elle aimerait encore Paname. D’ailleurs je me pose la même question et de Jacques je pense être passé à Thomas Dutronc.
Qu’as tu voulu raconter dans ce livre ?
J’ai voulu parler d’une femme et d’un quartier qui ont fait de moi ce que je suis.
Qu’as tu choisi de ne pas raconter dans ce livre ?
Un grand nombre de choses mais il s’agit d’une démarche volontaire et réfléchie j’ai décidé d’en garder pour la suite, j’ai encore beaucoup de choses que je ne peux pas encore dire aujourd’hui.
L’auteur et son livre, à son image : décalé, iconoclaste, dur au grand coeur.
Te sens-tu plutôt aujourd’hui un Alsacien de Paname ou un Poulbot de Strasbourg ?
J’aime Strasbourg mais je ne suis pas et ne serai jamais Strasbourgeois. Je suis profondément Parisien, de la rive droite, et de la Butte, c’est mon ADN. Quand je sors du métro à la Station Pigalle je sais que je suis chez moi !
Aujourd’hui tu te sens plutôt en période claque ou bonbon ?
La claque et le Bonbon … J’ai connu les deux mais aujourd’hui je vis dans une bonbonnière je ne reçois plus de claque et j’en ai marre d’en donner même si parfois ça me démange .
Ce livre, tu comptes lui donner une suite ?
Oui » La Claque et le Bonbon » est le premier volet d’une trilogie dont le fil conducteur restera la Butte mais les deux prochains volets seront des romans basés sur des faits plus ou moins réels revus et corrigés.
Quelques mots sur le livre
N’attendez pas un récit, un roman ou autre forme littéraire classique. Ici, ce sont des textes que l’on lit, sur différentes anecdotes parfois intimes, parfois sur la vie de quartier. Le style est à la fois écrit et parlé, on imagine les voix d’Arletty, Lino Ventura, Edith Piaf ou Pierre Dac les lire sur un audiobook rêvé. Puis, et c’est une mine pour « trasher » ses adversaire en conversation : les phrases taillées dans le silex d’Elise, dans une partie intitulée les fulgurances de Mémé. Exemples : « Quand la soupe est bonne et chaude, tu te fous que l’assiette soit fêlée », ou encore « que dire d’un professeur lorsqu’il fut mauvais élève ».
La claque et le bonbon. Philippe Loubry (ed. Première Impression)
Disponible par ici : laclaqueetlebonbon@gmail.com
Signatures et rencontres à venir :
https://www.facebook.com/La-Claque-et-le-Bonbon-110483733647543/?ref=nf&hc_ref=ARTpLbwDcJ2v1PlEcRcu9Vnqg0jYMODxWQ1NKfrl0q6z_V_c4Co8ZiXbxfGt7182388