Rencontre avec un personnage insolite, ami de quelques légendes françaises, défenseur de nobles causes, et surtout, au-delà d’un choix de vie tourné vers la foi, un homme au coeur de la vie et de la cité. Raphaël Steck est évêque gallican, il pratique une foi chrétienne mais n’en oublie pas que le plus important, c’est « son prochain ».
Et son prochain, c’est par exemple son voisin, c’est Dieu, c’est un demi dieu français au Japon, c’est une « déesse » des animaux, ce sont les animaux…
Il fait beau en cette mi-septembre, date calée pour l’entretien. RDV est pris avec Monseigneur Steck, évêque gallican, en son Centre Miséricorde, installé à Lingolsheim. Monseigneur est là, dehors, il attend son visiteur tranquillement. Il y a déjà un air de sud de la France, calme et paisible.
Présentations rapidement faites, on doit dire Monseigneur ? « Non, Raphaël, c’est plus sympa ». Rapide visite de l’église abritée dans le bâtiment, qui fait d’ailleurs la fierté du maître des lieux. Il faut dire que cette grande pièce, si elle a tout d’une église au sens classique du terme, renvoie une image différente, plus « cosy », pourrions-nous presque penser.
L’échange se poursuit autour d’un café. La discussion porte sur le quotidien de cette paroisse, sur les difficultés qu’elle rencontre parfois pour fonctionner, et sur l’importante « offre » religieuse à Lingolsheim.
Rapidement, l’interlocuteur perd de vue qu’il s’adresse à un homme de Dieu. Heureusement, Mgr Steck porte beau son habit. Mais son discours sort des cadres habituels, des cadres canoniques.
Qu’est-ce que le gallicanisme ?
C’est une église catholique indépendante du Vatican depuis 1870, mais le gallicanisme a toujours représenté les catholiques de France pendant longtemps, avec une baisse d’autorité du Pape. En fait, c’est Astérix contre les Romains. Les Gaulois ont toujours eu des problèmes avec Rome.
Depuis 1870, Catholiques de foi mais avec une liberté sur la discipline. Les prêtres et les évêques peuvent être mariés. Et on a une plus grande ouverture, j’espère, sur le monde et les différents enjeux de société.
En France, on n’est pas nombreux, environ 2.500 fidèles en France. A Strasbourg, environ 100 familles inscrites, mais qui viennent aussi de Moselle et du Haut Rhin.
Comment es-tu devenu gallican ?
J’étais catholique romain très pratiquant. J’ai voulu devenir prêtre dès ma première messe, à 6 ans. Ce qui a étonné mes parents, non-pratiquants ! Je leur ai dit, en voyant le prêtre « je veux faire comme le Monsieur ! » . J’ai pratiqué jusqu’à 18/19 ans et mon curé m’avait préparé à aller au séminaire, en me demandant de prendre mon temps. Je l’en remercie aujourd’hui ! Et j’ai découvert le gallicanisme via un livre à la BNU (ce qui prouve que c’est très intéressant d’avoir des bibliothèques universitaires !!!), un peu par hasard. J’ai donc suivi des études, à Bordeaux. J’ai été ordonné prêtre en 2004, j’ai exercé à Wolfisheim, puis devenu évêque en 2013, suite à une scission entre une frange plus traditionnelle, opposée notamment au mariage homosexuel.
Pourquoi ce nom : Centre Miséricorde ?
Justement, pour l’Ouverture ! Et puis c’est l’année (2016) où le Pape François a parlé d’année de miséricorde.
On voulait que ce soit un centre, pas seulement une église. On en a une dans le centre (Notre-Dame-De-La-Joie). Mais on voulait que ce soit un lieu d’accueil. On a des gens qui viennent juste pour boire un café et ne restent pas pour les offices.
La miséricorde, j’y reviens, elle s’adresse à tout le monde. Le terme est très catholique, mais le principe est universel. C’est être humain, tout simplement, et être ouvert à toutes les possibilités.
Au niveau national, on a pas mal d’ouvertures avec les catholiques (notamment Guy Gilbert, le fameux « prêtre des loubards, qui est un ami). Et puis en Alsace, on est plus proche des protestants. Avec eux ça se passe super bien, notamment avec Saint-Guillaume où l’on est membre de l’antenne inclusive depuis quelques années maintenant.
Tu as écrit plusieurs livres, le dernier « Dieu a dit Tu Ne Tueras Point », consacré à la violence envers les animaux…
C’est l’une des ouvertures principales de l’église gallicane. Et ça remonte à déjà une quarantaine d’années, puisque notre ancien patriarche (décédé en 1986) était fervent de la défense des animaux (il s’enchaînait devant les laboratoires dans les années 70, contre la vivisection, le grand combat d’alors).
Ici, nous faisons beaucoup de choses pour les animaux. Nous avons par exemple des stocks de croquettes pour les chiens des SDF, on fait des tables rondes sur la cause animale, je manifeste beaucoup. Et à Pâques, je réfléchissais à quoi écrire pour les fidèles. Là, le chiffre de 180 millions d’agneaux tués pour fêter Pâques dans le monde m’a un peu fait bondir. On accuse souvent les Musulmans de tuer des agneaux pour l’Aid, mais finalement chez les Chrétiens on n’est pas beaucoup plus clairs.
Ce livre parle de tous les sacrifices faits chez les Chrétiens pour faire plaisir à Dieu. Par exemple les corridas. Les gens oublient souvent qu’elles ont généralement lieu à l’occasion de fêtes religieuses. A Mimizan, par exemple, le curé accompagne après la messe les toréros dans l’arène.
Or, pour moi faire couler le sang des animaux au nom de Dieu, c’est une profanation…
Récemment certains ont polémiqué sur la diffusion de l’Exorciste dans une église (Saint-Guillaume). Pour moi, c’est faire couler ce sang au nom de Dieu qui est à proscrire.
Pourtant dans la Bible, il y a des passages où il est expliqué que l’Homme peut chasser, tuer les animaux
Oui, après le déluge Dieu a autorisé à manger la viande. Après, c’est peut-être la conscience humaine… Je ne suis pas végétarien non plus. J’essaye de restreindre ma consommation de viande, mais je n’y arrive pas. Je le confesse !!!
Dieu a demandé un sacrifice à Abraham, celui de son fils. A Moïse, il a demandé à Pâque de mettre du sang animal sur les portes. Mais plusieurs fois on lit dans la Bible « je hais vos sacrifices » !
En tant que Chrétien, offrir des sacrifices à Dieu, à la Vierge Marie ou aux Saints, c’est juste l’adaptation de cultes païens ! Le sacrifice des taureaux, c’est le culte de Mitra…
De manière plus générale, il faut arrêter de se cacher : l’église chrétienne a adapté des rites païens (le feu de Pâques, l’arbre de Noël, etc.). Perpétrer des cultes païens sanglants, voilà qui est satanique. Ca rappelle les messes occultes. On parlait de l’Exorciste tout à l’heure. Voilà pour moi ce qui est satanique.
J’ai voulu écrire un petit livre, je voulais pouvoir le donner à quelqu’un pour que le message passe vite !
Et sur ce livre, il y a une préface signée Brigitte Bardot en personne ! Comment ça s’est fait ?
De façon étrange (Soupir). Ici, tout se passe de façon bizarre (rire). Début 2017, on a eu une période financière difficile au Centre Miséricorde. Un soir, j’ai commencé 9 jours de prières à la Vierge, pour lui demander de l’aide. C’était la panique ! Un ami m’a dit : « écris à Bardot » ! Ce n’est pas quelqu’un que je connaissais plus que ça, et comme un fait exprès, le soir-même il y a eu une émission sur elle à la TV. Bien sûr, il y avait toutes ces polémiques la concernant. Mais je lui ai écrit, lui ai expliqué ce qu’on fait ici (animaux, mais aussi d’autres thématiques comme l’inclusion).
Et quelques jours, j’ai reçu une lettre d’elle !!! Avec un chèque de 1.000 euros. Depuis, nous avons vraiment sympathisé, et nous nous téléphonons très souvent. Elle nous a encore beaucoup aidé. Cet été, elle m’a invité chez elle à Saint-Tropez. Et elle nous a confié toutes ses archives religieuses, pour que nous les conservions ici. Nous avons 2 classeurs avec les courriers et les images sacrées qui lui ont été données. Elle a gentiment accepté, aussi, d’écrire la préface du livre.
Et j’aimerais préciser que, contrairement à ce qui peut se dire, elle est à l’opposé de ce qui se raconte sur elle. Sinon, elle n’aurait jamais aidé une église ouvertement inclusive. Tout ce qui se dit sur sa supposée homophobie est totalement faux, par exemple !
Msg Raphaël Steck en compagnie de Brigitte Bardot, cet été
Et de BB à AD…
Oui, Brigitte Bardot m’a mis en relation avec Alain Delon. J’ai eu la chance en avril dernier d’être invité chez lui, pour consacrer sa chapelle. Alain Delon et Brigitte Bardot sont très amis.
Ca a été une nouvelle fois une expérience que je ne me serais jamais imaginé vivre. Jusqu’au dernier moment, j’ai eu du mal à croire que je prenais ma voiture pour me rendre chez lui !
Il m’a accueilli chez lui, m’a fait réserver une chambre à l’hôtel du village à côté de sa maison. J’ai découvert un homme à mille lieues de ce qui se raconte. Et qui me l’a bien expliqué aussi. Les médias, m’a-t-il dit, ne pouvaient pas dire que j’étais mauvais acteur, puisque les meilleurs réalisateurs me voulaient. Ils ne pouvaient pas non plus dire que j’étais moche. Alors il leur a fallu un truc. Et mon caractère leur a bien servi !
J’ai de nombreuses très belles anecdotes de ces deux jours passés en sa compagnie. S’il y en a un que je peux partager, parce que très drôle, mais en même temps émouvant et tendre, c’est le premier soir, au restaurant. Nous étions à trois, avec sa compagne. Et, au cours de la discussion, il m’a rejoué son fameux monologue ubuesque d’Astérix aux Jeux Olympiques. En me confiant que la production avait eu peur de le lui proposer. Et qu’en lisant ce texte, il a éclaté de rire !
L’inoubliable monologue de Jules César !
« Jésus a dit : tu ne tueras point » (Raphaël Steck). Livre disponible ici :
http://centremisericorde.blogspot.com/2018/08/voici-le-nouveau-livre-de-mgr-raphael.html