Ils sont parmi les plus dignes représentants d’un rock français drôle, engagé aussi, populaire et qui, naviguant parfois à la frontière du kitsch, en ressort toujours plus engageant et culte pour le public.
Les Fatal Picards, c’est près de 20 ans de carrière et un nouvel album en préparation.
RDV avec Laurent Honel, guitariste et plus ancien membre en activité du groupe.
Laurent, ce nouvel album, ça se passe comment ?
On a déjà une dizaine de morceaux en stock. C’est dans la ligne des Fatal Picards. Pour faire simple, on va dire que c’est dans la lignée de ce qu’on fait : des morceaux plutôt énergiques et on parle de sujets de sociétés avec humour, en tout cas un certain décalage.
Sujets de société. Sujets d’actualité aussi, notamment politique ?
Oui, exactement. Mais après on ne veut pas devenir trop systématiques, et quand on fait une chanson sur une actualité brûlante, on a peur de vite devenir anachronique. Mais là, par exemple, sur le prochain album il y aura une chanson intitulée « Béton armé » qui évoque la collusion entre Lafarge et Daesch en Syrie, parce que ça, ce sont des sujets qui nous paraissent inaltérables : l’abdication de l’éthique ou de la morale au nom de la logique financière, ça nous parait valoir le coup d’être traité en chanson. On va aussi parler des interdits alimentaires, avec une chanson intitulée « Sucer des cailloux », qui va parler des allergies, des interdits religieux, ceci cela…
Il y a aussi une chanson sur le suicide dans le monde agricole. Mais celle-là elle sera plus triste. Ce sera la seule chanson triste de l’album. Quand il est question de la mort d’un homme, je ne peux pas être drôle, je n’y arrive pas.
En live, vous allez profiter des festivals pour en tester l’une ou l’autre ?
Oh non, je pense que c’est un peu trop tôt. On va plutôt tester ces nouvelles chansons à l’automne, après la saison des festivals. Là on est plutôt encore sur « l’ancien répertoire » qui n’est pas si ancien que ça d’ailleurs (rires).
La réalisation de ce nouvel album, elle a été rendue possible grâce à une impressionnante campagne de crowdfunding. Il y a finalement de quoi financer deux ou trois albums !
Oui et non. On est très heureux de la réussite de ce crowdfunding. En plus c’est un mode de financement qui nous convient bien. Mais plus il y a de gens qui participent, plus il y a de contreparties à envoyer (tee shirts, vinyls, autocollants, livres, etc.) plus on s’aperçoit que ça ne nous permet pas de dégager beaucoup d’argent. Mais nous sommes tranquilles pour deux ans. Ca veut dire qu’on peut faire notre album, on va pouvoir réaliser un ou deux clips, et ça nous permet – on est un petit label – d’avoir des finances super saines. Et ça, ça n’a pas de prix.
On a l’impression qu’avec les Fatal Picards, on peut d’attendre à tout : de la chanson française au metal en passant par la rumba ou la musique électronique…
Oui, enfin… La rumba et l’électro, t’as peut-être été un peu trop optimiste, mais pourquoi pas ?
Après, on a des cultures musicales très différentes au sein du groupe. A partir du moment où une chanson nous plait, peu importe l’habillage. S’il faut, pour mettre le texte en valeur, que ce soit un peu country ou s’il faut un truc de metal ou de punk, on le fait. On cherche l’efficacité. On n’est pas un groupe de rock prog, on ne va pas défrayer la chronique comme la révélation de l’année. Nous ce qu’on fait, c’est des chansons avec un cahier des charges précis : des chansons populaires, mais sans abdiquer notre intelligence.
Et pourquoi un groupe populaire comme les Fatal Picards ne passe-t-il pas plus en radio ?
Y’a plein de trucs ! Déjà le nom qui ne fait pas rêver les programmateurs. Ensuite notre son, c’est celui d’un groupe de rock français, mais quand on nous demande de modifier le son d’une grosse caisse ou de modifier un couplet ou un refrain pour passer sur une radio, c’est hors de question. On ne veut pas abdiquer notre intégrité artistique. Et puis après, c’est un peu le syndrome de l’ancienne publicité Vache-Qui-Rit, on n’est jamais dans l’air du temps : trop rock, pas assez rock, trop drôle, pas assez drôle. Et puis c’est compliqué l’humour en ce moment. Il ne passe plus aussi bien qu’avant sur les gros médias. Parce que nous, on n’a pas de problème avec le public.
Dans de nombreuses interviews tu dis que les Fatal Picards sont un groupe de scène. C’est l’essence même du groupe ?
C’est là qu’on s’est construits. Il y a des chansons pour pouvoir le faire. Mais quand on a créé le groupe, c’était pour faire de la scène. Pour nous c’est la plus belle expérience qui soit !
Voir que les gens ont la banane, voir que pour eux c’est 1h30 d’évasion, c’est un bonheur. Pour nous, les chansons c’est chouette qu’elles existent, mais si on ne pouvait pas monter sur scène, elles ne serviraient à rien !
Les Fatal Picards, plus un groupe de concert ou un groupe de festival ?
C’est vrai qu’on est plus concerts, parce que nos concerts y’a une histoire. Mais on a aussi besoin des festivals, parce que déjà ça se passe toujours très bien. Et ensuite parce qu’on joue avec d’autres artistes et donc on doit aller chercher le public qui ne nous connait pas et est venu pour d’autres artistes. Enfin, les festivals, pour nous, en tant qu’artistes, ça nous permet de rencontrer d’autres artistes qu’on aime et qu’on ne peut pas rencontrer le reste de l’année.
Le groupe fête ses 18 ans : j’imagine qu’il y a un renouvellement de génération dans le public…
Ouais, c’est chouette ! Nous on aime bien. On a un public très hétéroclite depuis le début. Enfin, depuis quelques années et on trouve ça chouette que dans une famille les parents aient des accointances musicales avec leurs enfants. Et on trouve ça chouette de voir en concert des gamins au premier rang avec des casques entrain de danser sur des « Punk à Chien » ou des « Combat Ordinaire », avec les parents, parfois les grand-parents. C’est fini les grand-mères qui écoutent « le petit vin blanc sous les tonnelles ». J’ai même envie de dire que les vieux ont rajeuni musicalement. Ca fait partie des choses dont je suis très fier. C’est très touchant !
Il n’y a plus aujourd’hui le moindre picard dans les Fatal Picards… C’est quoi cette escroquerie ???
(Rires). Alors, à la base il n’y avait pas de picard, sauf qu’Ivan qui a fondé le groupe faisait ses études en Picardie. Et il y avait des chansons avec l’accent picard, d’où ce nom. Mais à la base, Ivan est à moitié breton, à moitié champenois. C’est un peu une escroquerie, mais à la base on le dit : Indochine ne vient pas de Saïgon. Donc voilà, ça se tient…
Il y a quelques années le groupe a publié « Le jour de la mort de Johnny ». Vous l’interprétez sur scène ?
Non, non. On nous a reproché à tort de souhaiter sa mort. Alors que pour nous c’était un hommage, décalé. Mais on n’aurait pas écrit une chanson sur quelqu’un qu’on n’apprécie pas. Pour le coup ça n’aurait pas été drôle, ça aurait été agressif et gratuitement méchant.
On l’a jouée pendant des années. Peut-être on la rejouera plus tard. Mais là, on ne la joue plus. On ne veut pas être accusés de profiter de sa mort. C’est aussi notre hommage. Il y a beaucoup de tabloïds qui ont fait leur beurre sur sa mort et cette affaire de testament. Nous, notre manière de dire que c’était un vrai hommage c’est de ne pas la jouer dans ces moments-là.
Personnellement, il y a une chanson dans le répertoire des Fatal Picards qui me choque beaucoup plus, c’est…
(Me coupant), Ah, ça doit être « l’Amour à la Française (NDR : chanson des Fatal Picards pour l’Eurovision 2007).
Non, c’est « Goldorak est mort ». C’est terrible !!!!
Ben ouais ! Au début, quand on l’a faite avec Ivan, on s’est dit on s’inspire des dessins animés, on imagine que Goldorak c’est une voiture comme les autres et qu’elle est cassée. Et après, je me suis demandé, de façon plus psychanalytique si ce n’est pas notre enfance qu’on enterrait avec « Goldorak est mort ». C’était ce personnage qui nous avait fait rêver gamins, et c’est finalement un peu comme Don Quichotte et les moulins, Goldorak, finalement.
Un mot sur Summerlied, sur l’affiche où il y aura aussi Sanseverino et quelques artistes alsaciens… ce sera l’occasion comme tu le disais plus haut de rencontrer certains et aussi d’en découvrir d’autres…
Ouais, ouais, c’est chouette ! Sanseverino, on est assez fan depuis longtemps. On l’a vu de nombreuses fois sur scène, et on a chanté avec lui pour Taratata. Ce sera l’occasion de se recroiser. C’est bien ! Et puis c’est des moments d’ouverture d’esprit. La plupart du temps on fait des concerts quand les autres en font. Quand quelqu’un fait un concert le vendredi, ben souvent on joue nous aussi…
Quel est le plus beau compliment que tu as entendu sur les Fatal Picards ?
Euh ? « Les Fatal Bazooka j’adore ça » (rires partagés).
En fait, ce que j’adore, c’est quand les gens nous disent « continuez ! » Voilà, c’est le genre de truc qui nous fait continuer d’ailleurs !
Et la critique la plus étonnante, ou de mauvaise foi…
Alors, ce n’est pas vraiment de la mauvaise foi. Mais c’est révélateur d’une certaine bêtise. C’est quand on a eu la polémique sur « Le jour de la mort de Johnny ». On a écrit une phrase « est-ce qu’il y aura des larmes dans les yeux des chevals » et des gens ont dit « ils s’attaquent à Johnny et en plus ils ne savent pas écrire français ».
Ce qui nous gêne le plus, ce sont les gens qui tirent des conclusions juste sur le nom ou notre passage à l’Eurovision. Mais de manière générale on n’a pas trop de problèmes, on est plutôt gâtés !
Les Fatal Picards en concert en Alsace : le vendredi 17 août à 20h30 à Summerlied (forêt d’Ohlungen)
Renseignements / réservations : www.summerlied.org