Stéphane Landman est un Urban Explorer, comprenez qu’il pratique l’Urbex, c’est à dire qu’il part en exploration urbaine armé de son appareil photo et de sa soif de découverte. Il vit en Alsace, mais il est prêt a faire des kilomètres pour arpenter des friches inexplorées ou indiquées par un de ses « contacts ».
On se dit « tiens c’est cool », moi aussi je vais m’inscrire sur un forum ou une page Facebook, trouver une adresse urbex en Alsace et je n’aurai qu’à me diriger dans ces lieux abandonnés. Grave erreur d’appréciation, le monde de l’Urbex est confidentiel, secret et les vrais trésors ne sont transmis qu’aux vrais initiés et surtout aux vrais muets… Pour quelle raisons ? Tout simplement pour conserver ces lieux en l’état et les protéger des pilleurs et autres vandales qui auront tôt fait de dépouiller ces sites de ce qu’il leur reste : les dernières empreintes humaines, de ceux qui ont fait vivre le lieu aujourd’hui déserté. Nous nous arrêterons là, n’étant pas spécialiste du sujet, nous préférons passer la parole à Stéphane qui a bien voulu répondre à nos question sans pour autant rompre la loi du secret !
AVERTISSEMENT : Pour des raisons évidentes de sécurité nous ne vous encourageons pas à pratiquer l’Urbex. De nombreux cas d’accidents graves et mortels sont à déplorer dans les lieux abandonnés. Cet article relate le sujet à titre d’information.
Depuis quand pratiques-tu l’exploration urbaine dite Urbex ?
J’ai commencé il y a deux ans. Je voulais visiter une ancienne filature lors des journées du patrimoine. Il fallait s’inscrire mais il n’y avait plus de place… La frustration m’a poussé à y aller par mes propres moyens. Ce fut un choc. Seul dans ce lieu, avec ce silence, et se dire qu’avant il y avait des dizaines de personnes et de machines en activité, ça vous met dans un drôle d’état. J’étais fasciné.
Comment as tu découvert cet univers ?
Par la suite, c’est ma soeur qui m’a appris le terme Urbex, je ne le connaissais pas. Elle avait posté une image sur facebook avec ce mot en légende, je l’ai questionné, c’est comme ça que j’ai su qu’il y avait un qualitatif mais surtout une pratique. J’ai voulu immédiatement entrer en contact avec la communauté et j’ai tout aussi rapidement été ignoré. On est pas accepté comme le premier pingouin qui se pointe. Mais j’ai pas lâché l’affaire et j’ai visé un premier lieu que j’avais repéré sur des photos, j’ai cherché des indices jusqu’à remonter l’histoire familiale des anciens propriétaires, ça m’a pris 3 mois ! Je me suis rendu sur place selon mon flair et j’ai fait mouche en le trouvant. J’ai fait mes premières photographies sur le thème de l’Urbex. Avec le recul, je me rend compte que j’ai bien progressé !
As tu été initié ou tu as commencé seul ?
En fait, c’est sur le terrain que j’ai sympathisé avec d’autres pratiquants de l’Urbex. Le premier fût Victor qui m’a beaucoup appris. Ensuite Michael qui m’a initié à des techniques de prises de vues élaborées. On est toujours en contact, on se file des indications, des conseils, etc.
Est-ce une activité solitaire ou se pratique t-elle en groupe ?
Ça dépend, c’est mieux à deux c’est sûr ! Rien que pour la sécurité, le coup de main, mais plus on est, plus c’est délicat. Un troupeau c’est jamais très discret et pour l’Urbex c’est tout de même nécessaire… Après il faut aussi avoir des horaires synchro car l’idéal c’est dans la semaine en raison de (censuré…)
Tu as une préférence sur le type de lieu : maison, bâtiment publique, industrie… ?
Pas vraiment, mais c’est vrai que les sites industriels sont puissants. Il y a cette dimension humaine qui a disparue mais dont les traces sont bien présentes. Il y des machines parfois étranges et surprenantes. Dans certains cas, on a l’impression que tout s’est arrêté net et que les gens sont partis pensant revenir le lendemain, je me pose souvent des questions à ce sujet.
Tu peux nous donner des sources sur le net qui sont pour toi exemplaires ?
Alors là, c’est confidentiel ! Les Urban Explorer n’aiment pas qu’on communique leurs découvertes et encore moins qu’on parle d’eux 😉 Il faut vraiment montrer sa motivation et surtout son intégrité avant d’entrer dans “le cercle”. Certains restent définitivement solitaires.
Comment tu fais pour repérer les sites abandonnés ?
C’est addictif, on devient accro et à l’affût du moindre indice. Une fenêtre mal lavée, un toit où il manque une tuile, ça attire mon attention. Ça devient vite lourd pour mon entourage (rires). Parfois, en balade familiale, ma femme et mes enfants voient que je ne suis pas là, j’ai le regard qui scrute les alentours, à la recherche d’un prochain spot, encore un nouveau, c’est sans fin. En plus, certains bâtiments qui te semblent accessibles un jour peuvent ne plus l’être quelques jours plus tard. Tu reviens et tu découvres que tout a été muré pour empêcher les casseurs de venir se défouler. C’est dommage mais plus encore ceux qui pètent tout pour leur plaisir.
C’est quoi la charte d’un Urban Explorer ?
Arriver, ne rien déplacer, ne rien voler, ni casser, respecter le lieu et le temps qui s’est arrêté. Ne pas forcer le lieu, ni une fenêtre, ni une porte pour pénétrer un bâtiment. Il faut le considérer dès le départ un peu comme un musée où tu ne fais que passer. Tu as juste le droit de ramener les images que tu auras faites, c’est ça l’Urbex !
Quelle est ta motivation, quelle est la démarche artistique ? Qu’est-ce que tu veux montrer ?
Je fais de la photo, c’est tout, ça me plait. Je veux partager et transmettre ce que je vois, je ne m’en lasse pas pour l’instant. Je ne fais pas que ça, je fais du paysage, des portraits, de l’architecture aussi. Je veux juste rendre compte de ces incroyables espaces mais aussi des choses banales qui prennent une autre dimension selon l’ambiance, la lumière ou un angle particulier. Chacun voit les choses différemment, c’est ce qui est intéressant.
On remarque dans tes photos beaucoup de graff’, est-ce une autre de tes motivations ?
C’est en découvrant l’Urbex que j’ai rencontré le monde des graffeurs qui partagent le même terrain de jeu. Ils cherchent de grandes surfaces, dans un endroit tranquille juste pour pratiquer leur art. Du coup, on se croise, on s’apprivoise, on se parle. Moi je les admire. Une fois encore, c’est une question de respect, jusqu’à ma façon de prendre leurs créations, ne pas les déformer ou chercher le sensationnel, chercher juste à en rendre compte, d’ailleurs en général je demande leur accord avant de faire une prise de vue.
Quel matériel photo est-ce que tu utilises ? Faut-il « voyager léger » ?
Bah écoute, j’utilise un Sony RX100, un compact expert, que m’a femme m’a offert il y a quelques années. Je l’aime bien (ma femme aussi ;-), il est petit, pratique et costaud. Il fait le job même si il y a mieux mais c’est plus cher, comme on dit, mais pour l’instant ça me convient. Sinon j’’emporte un indispensable trépied pour les pauses longues car les lieux sont souvent sombres, quelqu’un a coupé l’électricité ! J’ai aussi une lampe torche, un téléphone (important !), pas de pansement mais il faudra que j’y pense 😉
L’Urbex c’est du One Shot ou est-ce que tu fais du repérage avant ?
Oui, un peu de repérage forcément. Autour aussi, histoire de voir si c’est exposé, si on peut se faire capter… Il y a cette excitation au moment du repérage, puis lors de l’entrée qui a ce parfum d’interdit pour enchainer immédiatement vers un état de plénitude, tu y es, au centre d’un espace qui te dépasse, tout est « à toi », tu as tout le temps, tu es en apesanteur tout en étant aux aguets. Il y a cette bouffée « voyage dans le temps » où le lieu se raconte à toi.
Quels sont les risques si on se fait prendre dans des bâtiments désaffectés ?
Soit on se fait rappeler à l’ordre soit les proprios portent plainte, ça arrive, et vous risquez une amende. Ce n’est pas mon cas pour l’instant… Le plus gros risque c’est l’accident, rien n’est sécurisé, il faut bien l’avoir en tête, ce n’est pas un terrain de jeu et des personnes se sont vraiment tuées en explorant ce genre de lieux abandonnés.
Pour finir, une anecdote ?
J’étais dans un cimetière semi-abandonné, tu vois l’ambiance, j’avais calé mon matériel photo, j’étais concentré et en me retournant, sortie de nulle part, une biche a détalé, j’ai fait un de ces bonds ! Mais ça ne m’a pas découragé pour autant, j’ai encore de beaux spots d’Urbex à explorer en France !
Merci à Stéphane d’avoir bien voulu partager sa pratique de l’Urbex avec Strasbourg.blog sachant la confidentialité de celle-ci.
Quelques images ci-dessus, mais bien plus sur :
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