VERS UNE AGRICULTURE URBAINE ET SOUTERRAINE
A Paris en février, dans une ambiance bondée, alors que je mentionnais vivre à Strasbourg, j’ai saisi quelques mots au-dessus de la mêlée sonore qui m’ont interpellés : « Strasbourg » - « Jean-Noël » - « le Bunker Comestible » . J’ai contacté Jean-Noël quelques jours plus tard qui m’a ouvert son antre enterrée, et éclairé sur ce qu’il considère comme l’avenir de l’agriculture.
L’objectif : trouver des solutions pour résoudre les problématiques liées à l’agriculture urbaine en utilisant les espaces urbains disponibles. «Nous avons travaillé sur une importante problématique urbaine pour l’agriculture, qui est l’accès au foncier. L’objectif est de trouver des solutions sans entrer en concurrence avec les promoteurs immobiliers.». Mais d’où vient cette dynamique d’agriculture urbaine qui s’insuffle doucement dans nos villes et comment envisager une production de qualité et souterraine ? Pour les jeunes agriculteurs, il est compliqué aujourd’hui de s’installer à la campagne sans exploitation familiale et sans faire face à de nombreuses contraintes. Quant aux terrains en milieux péri-urbains, ils leur sont pratiquement inaccessibles en raison de leur coût et de la demande.
L’un des souhaits de Jean-Noël est de parvenir à conjuguer vie en ville et travail de la terre amenant à une production locale et à la végétalisation de la ville. La finalité est d’accentuer la proximité entre producteurs, consommateurs et lieux de distribution, en réduisant l’empreinte carbone au maximum, tout en amenant une dimension sociale et pédagogique. Ce mouvement a 10 ans d’avance aux états-Unis, dans les villes où la densité de population est faible, et où les produits frais venant de loin ont pour conséquence un coût excessif et une fraîcheur qui devient relative.
L’exode rural et le boom des nouvelles technologies, ont poussé à la création d’espaces citadins dédiés à cette forme d’agriculture. Et alors que ces espaces se situent souvent sous toiture ou sous serre, l’idée d’aller sous terre est plus récente et permise par l’arrivée sur le marché des nouvelles technologies des néons horticoles, ces néons à Led très économes en énergie.
Situé à côté du Bastion 14, des Restos du Coeur et de l’Atelier Papier Gachette à Strasbourg, le Bunker Comestible est une ancienne poudrière allemande datant de 1878 (les traces des barils de poudre au sol en attestent). Jean-Noël Gertz a 28 ans et s’est converti à l’agronomie il y a 3 ans après avoir été ingénieur thermicien,. Il décide avec Théophile Champagnat de lancer la start-up Cycloponics, sur le modèle d’une économie circulaire. Cette structure incubée au SEMIA (incubateur d’entreprises innovantes d’Alsace labellisé par le Ministère de l’Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie) devient la maison mère des sites qu’ils ont trouvé en Alsace et à Paris, et probablement d’autres à venir.
A Strasbourg, Jean-Noël, s’est mis à la recherche de lieux souterrains pouvant héberger son projet. C’est après des négociations avec la ville qu’il récupère les clés du bunker troglodyte en juin 2016, et signe un bail de douze ans. S’ensuivent des travaux de nettoyage, rénovation, adaptation qu’il effectue seul ou avec des membres de son équipe.
La surface au sol est de 150m2 mais les murs de culture permettant une production en hauteur vont faire doubler cet espace. « Dans un premier temps on teste des champignons, des endives et des micro-pousses prisées dans le milieu de la restauration. Ensuite, les salades, les fruits… ». Dans un mois, ces plantations sans pesticides ni OGM, seront mises en terre et la récolte est prévue pour trois semaines plus tard, fin avril. Les produits seront vendus sans les coûts impliqués par la logistique de transport, ou les marges de distribution. Et ils seront fournis vivants, c’est-à-dire en barquette et non-coupés, aux snacks, aux streetfoods, aux ruches mais également aux particuliers. « On sera homologué bio à partir de cet été ».
L’avantage de poids de cette microferme urbaine est que sa production n’est pas soumise aux aléas des conditions météorologiques. La température y est stable (10 à 16°C) toute l’année, et un système de ventilation installé dans les murs par les ingénieurs allemands lors de la construction de la poudrière permet la circulation et le renouvellement de l’air dans les 150m2. « Et nous sommes fournis exclusivement en électricité d’origine renouvelable. ». Le Bunker Comestible souhaite fonctionner uniquement grâce aux ressources strasbourgeoises : récupérer auprès des bars le marc de café ou le drêche de bière afin de faire du substrat servant de support à une agriculture durable, employer des gens en réinsertion, ou encore apporter les invendus aux Restos du Coeur.
Le Bunker Comestible va également servir de laboratoire préalable à la production de sa grande soeur parisienne. En effet, à Paris, Cycloponics vient d’être récompensé lauréat du « Parisculteur », prix dédié à l’agriculture urbaine et à la végétalisation de la ville de Paris pour le projet « la Caverne ». L’idée est de réhabiliter un parking inutilisé de 3500m2 à Porte de la Chapelle pour en faire là-aussi un site de production maraîchère verticale afin de « produire de la nourriture de qualité en plein coeur de la ville ». Cycloponics nous propose un service nouveau et disruptif susceptible de susciter de nouveaux usages et de bousculer le marché. Un gage de fraîcheur d’esprit?
Retrouvez les sur cycloponics.co, www.bunkercomestible.com, lacaverne.co ou suivez les sur Facebook: Cycloponics, la Caverne.
Et si vous souhaitez en savoir davantage, c’est ce week end! Les 18-19 mars célèbreront les 48h de l’agriculture urbaine en invitant le public à lancer la saison de jardinage en ville.